samedi 4 février 2012

WAB 2.0 et la liste Asterix


J'ai donné mon avis sur le "Armies of Antiquity" lors de mon dernier message. J'ai même revu ma position pour finir sur une impression très positive de ces listes. Bref, me concernant, un excellent achat.
Néanmoins, plus qu'un problème de liste d'armée, il reste que le système WAB restitue particulièrement mal les listes barbares. C'est ce que l'on pourrait appeler "le syndrome d'Asterix". Ce n'est d'ailleurs pas un travers propre à WAB mais à la majeure partie des systèmes de règles populaires, DBM et AdG inclus.


Pour simuler le mode de combat des Celtes, Germains et autres barbares (y compris, concernant WAB, les Thraces !), les concepteurs ont créé la notion "d'impétueux" et/ou de "warband". Et ce principe, pour DBM et AdG, a été élargi aux chevaliers.
Résumons donc ce concept : ces troupes sont incontrôlables, donc, dès qu'elles sont "à portée de charge" (DBM, AdG) ou que vous manquez un jet de dé (WAB), elles partent en charge incontrôlée. Le système WAB est tout particulièrement stupide puisqu'il repose sur le simple hasard (1 chance sur 6, probablement le "pas de bol" : au moment même où vous êtes en train de pisser derrière un arbre, vos guerriers ont décidé de charger !). Ne jetons tout de même pas plus la pierre à WAB qu'aux autres systèmes, les autres ne sont pas mieux ! Ainsi, pour AdG et DBM, dès que le barbare est à portée de charge, il range son cerveau dans une petite boite pour charger bêtement. Bon c'est tout de même pas très cohérent, donc on n'y rajoute toute une série d'exception : si l'adversaire est retranché, si c'est un cavalier/chevalier, si c'est un éléphant ou si c'est un char d'assaut par exemple. Ben oui, le barbare est stupide mais là, alors qu'on croyait tous que le Gaulois n'avait peur que d'une seule chose, que le ciel lui tombe sur la tête, on se rend compte qu'il a aussi peur de plein d'autres trucs... et en plus, il court moins vite qu'un cheval ! C'est ballot ça... Heureusement, pour WAB, le barbare est moins stupide que ça : il n'a peur de rien ! Et si une souris a le malheur de traverser le champ de bataille, gare à ses fesses !
Bon, je me moque, mais pourquoi pas ? Peut-être que le Gaulois se comportait comme ça dans la réalité, non ?

J'ai bien sûr un point de vue tout à fait différent sur le sujet. Et de nombreux témoignages (de Polybe, César ou autres historiens contemporains) montrent non seulement que le barbare pouvait être très discipliné, mais qu'il était aussi assez habile pour coller des tôles aux Romains. Sans avoir à attendre, ou à craindre, le "1" sur un D6...
Il me faut, à mon sens, distinguer deux concepts : la manière de combattre et le contrôle des troupes. Pour la manière de combattre, la plupart des règles ont retenu que les barbares privilégiaient le choc, grâce à son équipement adapté, le tout argumenté par de nombreux témoignages. Et le principe reste le même pour les chevaliers du moyen-âge. C'est la règle spéciale de "First charge" à WAB (mais ne s'applique qu'aux chevaliers) ou l'excellente "charge percutante" d'AdG. Selon ce point de vue très intéressant, la façon de combattre de ces troupes repose sur l'impact de la première charge, sur le "ça passe ou ça casse". Et quand ça passe, ça fait très mal. Sur ce point, rien à redire  : ces deux approches me paraissent intéressantes (il faudrait juste que WAB l'applique aux guerriers barbares !). Quand à DBM, il intègre cet effet dans son tableau de résultat des combats, ce qui revient au même.
Le second concept, celui que je critique, est le problème du contrôle. Il part du principe que c'est le foutoir, que personne ne décide, ou plutôt que chaque petite unité décide à sa guise. Bref, que vous, joueurs ou généraux, vous ne décidez rien. Il va donc me falloir un peu de temps pour décortiquer mon point de vue...
Ce qui distingue les nations "barbares" (y compris les "Francs" féodaux) des nations civilisées (qui ont, elles, le droit d'être affublées du brillant qualificatif de "civilisations") c'est en réalité leur environnement d'origine. Il est "rural" pour les barbares, et "citadin" pour les nations dites civilisées. Or, je ne vous apprendrais rien en écrivant que vous parviendrez à loger plus du monde dans une ville que dans un "village gaulois", fusse-t-il un oppidum ! Conséquence : il sera plus facile de mettre au pas tout ce petit monde, sous un chef unique et avec un entrainement uniformisé... Le "tout le monde en rang sur l'homme de base... je ne veux voir qu'une tête" contre le "Bordelos, pose ta p... de faux, prends ton bouclier et viens te ranger avec les autres ! Il va pas s'envoler ton champ !" La seconde implication de cet exemple, c'est que le citadin va être "enrôlé" comme "conscrit" et donc entrainé pendant quelques années, puis "relâché" (la "quille")  dans la vie civile au terme de son temps. Alors que le guerrier rural reprendra systématiquement les armes à la belle saison, notamment en période de crise (ou pour arrondir ses fins de mois). En contrepartie, le soldat des champs, endurant des conditions plus rudes, sera probablement plus endurant et résistant que le soldat des villes.
De là à dire que la taille du cerveau du soldat des champs, ou plutôt de son chef, est moindre que celle du soldat/chef des villes, faut tout de même pas pousser mémé dans les orties. Non. Par contre, comme nous l'avons vu, l'armée gauloise sera constituée d'un amalgame de tribus ayant toutes leurs propres chefs, le tout commandé par un "roi" (Rix) plus ou moins controversé. Alors que l'armée grecque, macédonienne ou romaine sera constituée d'un amalgame de villes/cités, ayant toutes leurs propres officiers, le tout commandé par un roi, ou tyran, ou stratège, plus ou moins controversé... La différence est subtile non ? Il n'est même pas sûr que ce soit plus compliqué pour le grand chef Gaulois, qui doit parvenir à mettre d'accord des centaines de chefs de tribus, puisque les clans dépendaient de tribus, qui étaient regroupés en confédérations... tout comme les Grecs par exemple. Bref, où est la différence, en dehors du fait que le Gaulois est un sacré ripailleur ? Doit-on simuler d'une façon différente les querelles entre chefs et petit-chefs de tribus (ou de confédérations) et celles entre généraux, qu'ils soient consuls, stratèges ou je ne sais quoi d'autre ? les rivalités de cours sont-elles différentes des rivalités entre chefs de tribus ?
Et en pratique, pourquoi les Celtes de "Brennus" se sont-il permis de détruire bêtement deux armées Macédoniennes et dépeupler cette nation de soldats "civilisés", en 277, plutôt que de venir s'empaler  sur les piques, en hommes sensés et civilisés, comme les deux cohortes italiennes ont su le faire à Pydna ? Pourquoi a t-il fallu un Marius pour que les romains arrêtent une série de victoires germano-celtes sur la civilisation des soldats disciplinés ? Et les Celtes qui ont battu quelques armées romaines en Italie du Nord, à l'époque d'Hannibal, ont-ils réussi l'exploit de ne jamais faire  "1" au dé ?
On le voit, ce type de règle amène trop d'incohérences, trop de cas particuliers à gérer. Bien sûr qu'il y a probablement eu, au sein des armées barbares, des chefs dissidents (comme le corps gaulois qui a préféré se beurrer la tronche la veille de la bataille du Métaure). Comme il y a eu quelques Comtes arrogants dans les armées féodales et médiévales, qui préféraient ignorer les instructions, profitant d'un pouvoir faible, et remporter une gloire inégalable dans une belle charge. Mais on trouvera autant d'exemples de ce type dans les armées dites "régulières". Nous sommes tous convaincus que les généraux de Napoléon, en Espagne, avaient un sens du devoir commun incomparable, non ? Et que Hermias, tuteur fourbe et ambitieux du jeune Antiochos, a  bien eu raison de se débarrasser d'Épigénès, le meilleur stratège séleucide, qui manquera grandement à la bataille de Raphia, n'est-ce pas ?
Quant aux solutions, elles ne manquent pas. Plutôt que d'imposer un point de vue, il me parait déjà préférable de laisser au joueur la responsabilité du choix.
Pour WAB, par exemple, il serait préférable d'associer la règle Warband (au sens incontrôlable) à un chef (comme WAB sait bien les faire, de type super-héros) et non pas à un type de guerrier. Si ce super-chef se met à la tête d'une unité, alors celle-ci deviendrait incontrôlable (et l'unité bénéficiera, en échange d'un super-perso-de-la-mort-qui-tue pour faire un gros trou dans les lignes ennemies). On peut bien sûr imaginer le même principe pour certaines unités de chevaliers.
Dans le cas d'AdG (ou DBM) pourquoi ne pas avoir une approche comparable ? C'est à dire, abandonner la notion "d'impétueux" pour les troupes, mais l'associer à un sous-général. Ainsi pour simuler les quelques tribus incontrôlables, comme les Gaulois d'Hasdrubal ou les Gaesati à Telamon, il suffit de proposer, dans la liste d'armée, un corps allié, pour un budget plus favorable, qui aurait une première réaction incontrôlable liée à son général. Par exemple : sur un "1" au dé, comme c'est déjà le cas dans ces règles, ce corps serait "non fiable" c'est à dire qu'il n'a pas envie de combattre. Alors que, sur un "6" au dé, il serait trop sûr de lui, conférant la capacité "impétueux" à tout son corps. Celle-ci pourrait être éventuellement traitée d'une façon proche des règles actuelles : les points de commandement devront être utilisés pour diriger les unités du corps vers l'ennemi (et/ou charger) ou pour les "retenir", avec un coût plus élevé. 
Ce ne sont que quelques possibilités qui montrent uniquement que ce ne sont pas les solutions qui manquent !

Ci-dessus : un Gaulois jovial et ripailleur expliquant à l'ennemi sa façon de voir les choses...

6 commentaires:

  1. Intéressante réflexion. J'adhère à tes arguments et j'ajouterais que je trouve désolante la vision simplificatrice et datée de certaines armées qu'ont les auteurs de listes.
    Auteurs me semble d'ailleurs un bien grand mot....à se demander si ils pompent pas les uns sur les autres depuis 30 ans.

    Pour revenir aux impétueux, on peut s'étonner d'y trouver les gaulois de la guerre des Gaules, les chevaliers français de Bouvines et les croisés des armées teutoniques. Du coup, ça me conforte dans l'idée que les listes d'HAIL CAESAR sont biens et que la WRG7 c'était pas mal (notamment dans la gestion de ce type de troupe et du moral en général).
    Fin de la minute vieux con monomaniaque...

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  2. Vivement que je reçoive Hail Caesar !

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  3. En effet, l'analyse ne manque pas d'intérêt.

    Il est juste dommage que ces "péquenauds" de barbares n'aient été racontés qu'au travers des récits d'auteurs de "brillantes" civilisations. Cela nous aurait permis d'être fixés.

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  4. j'aime bien cette idée aussi, même si je suis pas toujours d'accord avec certains de tes arguments :))
    Personnellement, je ne blaire pas les impétueux à cause de ces réactions stupides dont on les affuble, donc impossible d'envisager jouer des barbares et des féodaux pour moi.
    Et je pense que Siaba a raison : les auteurs se pompent mutuellement. Je veux parler des listes, ils se pompent les listes, bien sûr...

    Franck
    PS : ma phrase préférée dans ton article : "le système WAB est tout particulièrement stupide" :))

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  5. Hé hé.
    Apa : Il est stupide mais "fun". Bref, l'idée n'est pas de jeter le bébé avec l'eau du bain !
    Même si je reconnais en toi un allergique au système...
    Canis : oui d'autant quand on voit ce que nous ont laissé les gaulois. Genre un calendrier 'hachement plus précis que celui des Romains...

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  6. J'arrive après la bataille (ça la fou mal pour un gaulois impétueux) mais je voudrais venir à la défense de ce petit jet de dès qui sur un 1 lance nos chers barbares droit devant à WAB (la seule règle cité que je connais).

    Et bien pourquoi pas à la fin? Je ne pense pas que ça soit sensé représenter une histoire de querelles entre chef comme dit Timur, mais plutôt une propension des guerriers à se chauffer les uns les autres et à tous vouloir faire étalage de leur bravoure individuelle. Bref, pour briller faut être devant et quand tout le monde joue des coudes pour être au premier rang... Ben ça peut vite partir en charge imprévue.

    Après tout, si on reprend notre Barbare pécore et notre civilisé urbain, pour enrôler le second, on vas lui causer devoir et nécessité politique, alors que le premier ne se pausera pas de question, en temps qu'homme il est soldat. Du coups, c'est pas en répondant à l'appel qu'il vas se distinguer de ses pairs mais en étant le premier au contact. Et comme ses potes veulent faire pareil...

    Par contre, la ou je te rejoins pour dire qu'il y'a un problème c'est que les "barbares ne devrais pas être désavantagé par rapport aux civilisé. Or les listes "barbares" ont tendance à être très simple, "des guerriers de bases et puis c'est tout" avec une ou deux unités "folkloriques". Ou sont les vétérans par exemple? On vas pas me faire croire que si on est pas civilisé on apprend rien... et les gardes d'élites et autres ordres, fratries et autres profils?

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