25 novembre 1944. La prise de Galfingue n'a posé aucun problème. Mais la nuit tombe et une contre-attaque allemande se dessine.
Voici comment le JMO du 2eRCA résume l'attaque française du 25 novembre au soir et la contre-attaque allemande nocturne sur Galfingue :
"Le 25 novembre, le Combat Command reçoit la mission de se porter sur le
PONT D'ASPACH (17 km. ouest de MULHOUSE) afin de couper la retraite aux troupes
allemandes refluant vers le nord.
Les escadrons de NAUROIS et VIE entrent dans la composition d'un
groupement aux ordres du colonel de LEPINAY. DIDENHEIM, HOCHSTATT sont enlevés
à l'ennemi après de durs combats. A DIDENHEIM l'ennemi laisse quarante cadavres
sur le terrain et trente prisonniers tombent entre nos mains. A la tombée de la
nuit, les éléments de tête, escadron VIE, et compagnie FAUGERE du 2e Zouaves,
atteignent les lisières est de GALFINGUE fortement tenues par l'ennemi. Il est
décidé, de passer immédiatement à l'attaque. Au clair de lune, les chars de
l'escadron VIE pénètrent dans les étroites rues du village, propices aux
embuscades. Plusieurs maisons brûlent, des chars sont atteints par des
panzerfaust mais ne subissent pas de grosses avaries. Une vingtaine de S.S.
sont retranchés dans une maison et refusent de se rendre. L'immeuble devra être
détruit au canon. Après deux heures de lutte, les allemands contre-attaquent le
village de tous côtés, appuyés par des Jagpanthers. Un déluge d'obus
explosifs, faustpatronen et de balles traceuses s'abat sur la localité. Le
lieutenant de SAINT TRIVIER est tué près de son char, le sous-lieutenant EYRIN
et le maréchal des logis chef COLONNA d'ISTRlA, du peloton de mortiers sont
grièvement blessés. Plusieurs chars sont atteints par la grêle de projectiles.
Le char du sous-lieutenant BERNARD réussit à atteindre un Jagdpanther qui flambe
immédiatement. Après quarante minutes d'un combat extrêmement violent, l'ennemi
se replie en désordre.
Cette nuit de GALFINGUE ne sera pas oubliée de longtemps pour ceux qui
la vécurent."
Les éléments 338 VGD sont donc maintenant soutenus par des Jagpanthers du 654e bataillon de chasseurs de chars.
Racontée par le capitaine de l'escadron, voici ce que donne cette affaire :
"Le Colonel arrive
sur les lieux, suivi de son immense colonne qui embouteille complètement la
partie centrale du village. Les ordres sont aussitôt distribués et le
dispositif de nuit, pris. Les issues seront gardées par les chars vers
HEIMSBRUNN, par l'ALSACE, le TOURAINE, le MOSELLE et le MORBIHAN vers
BERNWILLER, par l'ILE-DE-FRANCE, le MAROC. L'ANJOU et le BÉARN (on y adjoindra
deux 57), vers SPECHBACH, par une charrette placée en travers et les chars de
volant ; le centre recevra le PC. du Colonel ; l'infirmerie, etc… Tout le monde
s'organise, se restaure, et prend ses dispositions pour passer la meilleure
nuit possible dans les chars, car, si la fatigue se fait sentir, on a malgré
tout, l'impression d'être un peu en l'air dans ce petit village à peine
conquis.
Vers une heure du
matin, un ronronnement continu tire l'oreille d'une sentinelle du troisième
peloton. Lointain, mais pas comme les autres et bientôt accompagné d'un et de
deux et de plusieurs. Le silence total de la nuit nous permet de bien écouter,
Il n'y a pas de doute ce ne sont pas des moteurs de chez nous,.. Mais le bruit
paraît prendre une direction autre que la nôtre, et bientôt s'efface et
disparaît peu à peu. Bah.., on verra bien demain, et tout le monde, sauf un
homme de garde par char, de se replonger dans un sommeil réparateur.
Les chars du 3e
peloton sont en quinconce dans la rue. Devant eux, un 57, à droite, près du
transformateur, un autre à gauche, une section de zouaves occupe les lisières
de cette partie du village.
Une première
fusillade surgit dans la nuit tout d'un coup, vers 1h50... assez soutenue, nourrie.
Puis, subitement, l'orage éclate, tonitruant et fantastique de tous les côtés,
les obus arrivent en trombe, déchirant l'air à une vitesse impressionnante.
Au-dessus de nous, les mitrailleuses de 20, emmêlent rageusement leurs traînées
de feu, rasent les toits et leurs éclatements secs sont bientôt renforcés des
magnifiques et flamboyantes explosions des panzerfausts qui tombent un peu
partout, tirés d'on ne sait d'où... Deux secondes pour que tout le monde soit à
son poste, mais, qu'y comprendre dans tout ce tintamarre ? On n'y voit rien, et
d'où cela vient-il ?
Soudain, une forme
imprécise, mais, impressionnante surgit droit devant nous, tout près. Avant de
se rendre compte de quoi que ce soit, cette ombre crache une flamme
gigantesque... Le 57 du transformateur reçoit de plein fouet un obus qui le met
en morceaux. Pauvres servants ; qu'êtes-vous devenus ? La pièce à gauche tire à
bout portant, mais son intervention attire une réplique brutale qui la met hors
de combat. Un, deux, trois coups partent rapides, la maison de droite est en
feu et dégage une fumée âcre et épaisse du même coup, l'half-track qui est
juste au pied du mur est elle-même touchée en plein.., elle vomit immédiatement
une lourde fumée noire qui prend des aspects terrifiants sous les lueurs de
l'incendie... Une forme, probablement le conducteur, en jaillit en torche, et,
frénétiquement, se roule à terre dans d'horribles souffrances.
L'half-track de
gauche subit le même sort. Et bientôt, la nuit devient dantesque. La fumée nous
gêne terriblement un écran opaque s'est formé devait nous. De grosses volutes
lourdes et denses passent lentement et nous empêchent de distinguer quoi que ce
soit. Tout le monde tire au jugé il faut se garder de tous côtés car les
fantassins boches se sont infiltrés et nous prodiguent les bazookas et les
rafales d'armes automatiques. Des deux côtés, une gigantesque sarabande de
mitraille et d'obus se déchaîne et le duel devient sauvage. La rue où nous
sommes est maintenant prise d'enfilade. L'ANJOU évite de justesse un boulet
qui fracasse le mur contre lequel il se trouve. Le MAROC et l'ILE-DE-FRANCE
tirent tant qu'ils peuvent, le BÉARN est touché de plein fouet heureusement
pour lui ce n'est qu'un explosif. Soudain, l'écran de fumée se déchire.
Un "frein de
bouche" apparaît alors à 40 mètres, crachant fumant, sûr de lui. Puis
soudain plus rien, une fumée noire et rouge l'entoure et le happe au même
moment, le lieutenant de SAINT-TRIVIER qui, descendu de son char, est venu en
personne se rendre compte de la situation, tombe au milieu de la rue,
mortellement atteint.
L'ILE-DE-FRANCE se
déplace alors et, prenant la rue d'enfilade, lâche droit devant lui, au ras du
sol, deux perforants coup sur coup ; une immense flamme jaillît là-bas. Touché,
victoire ! !
Ah, comme il flambe
bien… Une avalanche d'obus et de balles déferle sur cette carcasse qui commence
à exploser et soudain la fusée verte (signe du repli chez les boches), monte et
illumine le sol. Nos zouaves se précipitent dans un magnifique élan, embrochent
quelques fuyards, mais le gros s'est déjà sauvé. Un calme impressionnant
succède à l'infernal tapage de tout à l'heure rien, on n'entend rien, si ce
n'est les craquements des maisons qui brûlent et s'effondrent et la chanson des
étincelles qui s'envolent. Les minutes passent… toujours rien. Et nous
attendrons ainsi jusqu'au lever du jour, les yeux brûlés de sommeil et les
nerfs en pelote.
C'est alors seulement
que nous réaliserons… devant le triste spectacle, éclairé d'un jour sale et
grisâtre de ces cadavres, de ces carcasses tordues par le feu, de ces deux
canons détruits, écrasés par le gros fantôme qui est là (ie : un jagpanther), lui-même, encore
fumant et lamentable.
Nous pouvons alors
nous rendre compte qu'après avoir fait ses premiers dégâts, il s'est aventuré
confiant ; et qu'un obus, probablement tiré par le MAROC lui a coupé une
chenille c'est alors qu'il a voulu reculer et que, ce faisant, il a fort
agréablement présenté le flanc aux perforants de l'ILE-DEFRANCE.
Nous apprenons également que 77 blessés sont passés au poste de secours
durant cette nuit où le médecin auxiliaire TEBOUL a été grièvement blessé.
(aspirant LAVIGNE, BARTEL, FIEUJAN qui mourra quelques jours plus tard et
combien d'autres). Les renseignements nous arrivent et nous apprenons avec un
certain froid dans le dos que 10 de ces automoteurs avaient encerclé le
village, et que profitant de leur soutien massif, l'un d'eux avait tenté de
forcer le passage escorté d'une compagnie de fantassins abondamment dotés de
panzerfaust et d'armes automatiques.
Mais l'ennemi a
fui. Le village a souffert mais il nous est resté. Et leurs monstres n'ont pas
fait peur à nos braves petits gars. Et c'est avec une juste fierté qu'ils se
souviennent de cette nuit de cauchemar, de cette nuit de victoire."
(Photo ECPAD)
1er et 2eme peloton du 3 escadron (capitaine Vie), présents à Galfingue.
Shermans M4A4 à canon de 75mm :